Brigitte Fau le 27/02/2018
J’avais entendu parlé « vaguement » d’Antoine Béchamp, comme la plupart d’entre nous, mais j’étais loin d’imaginer l’ampleur de ses travaux. Il y a seulement quelques mois, je me décidais à m’y intéresser et là : stupéfaction ! non seulement ses recherches sont passionnantes mais elles suivent une démarche scientifique exemplaire qui donne à penser que la science en oubliant ce travail considérable passe vraisemblablement à côté de l’essentiel.
Et si la théorie d’Antoine Béchamp répondait aux questions que se posent les scientifiques. Pour exemple, le Pr Walter Longo qui étudie les particularités du jeûne se pose la question suivante : « “What we started noticing in both our human work and animal work is that the white blood cell count goes down with prolonged fasting. Then when you re-feed, the blood cells come back. So, we started thinking, well, where does it come from? » (1)
Et donc, lors d’un jeûne prolongé le nombre de globules blancs diminuent, les globules réapparaissent lorsque le jeûne est rompu, et Walter Longo de s’interroger : mais d’où viennent-ils ? Il se trouve qu’Antoine Béchamp explique la formation des leucocytes à partir des granulations moléculaires. (2)
Antoine Béchamp utilisait un microscope Nachet avec cellule à immersion, lui permettant de distinguer les granulations moléculaires du foie particulièrement petites (< 0,5 μm).
Voici un exemple d'une des nombreuses observations qu'Antoine Béchamp a faites :
Il a observé au microscope une plante grasse dont une partie était gelée (l'hiver). Qu'a t'il vu ?
Dans la partie gelée : des bactéries
Dans la partie saine : des granulations (visibles à x700)
Dans la partie intermédiaire : des étapes de formation des bactéries à partir des granulations.
Bien entendu, il a reproduit et reproduit (comme à son habitude, très rigoureuse) en laboratoire en variant divers paramètres et s’assurant que les « germes de l’air » n’étaient pas en cause.
La plante était malade : seulement la cause de la maladie n'est pas la bactérie, mais le froid qui a changé les conditions du milieu, les bactéries formées à partir des granulations n'en sont qu'une conséquence. Voire même une défense.
Ce sont les mêmes granulations qu'il a trouvées dans tous les organismes, dont il a étudié toutes les spécificités selon les organes, les glandes, les humeurs, et cette granulation qu'il a appelé microzyma est vitale et a un rôle prépondérant dans l'organisation.
"Les microzymas sont à la racine même de l'organisation ; sans eux pas d'organisation et pas de matière vivante "
En fonction de l’état du milieu les microzymas se rassemblent pour former nos cellules (milieu équilibré) ou nos microbes (milieu déséquilibré), microbes spécifiques à chacun de nous.
Nos cellules sont transitoires ; « nous nous putréfions sans cesse » dit-il, une cellule qui se décompose redevient microzymas. Ces microzymas formeront de nouvelles cellules si les conditions sont favorables, sinon ils peuvent se regrouper et former des bactéries en passant par différentes étapes (polymorphisme des microbes).
Mieux que d’en parler, voici des extraits de l’avant-propos de son livre « Les microzymas avec l'hétérogénie, l'histogénie, la physiologie et la pathologie » (4) :
« Le livre que je me décide, enfin, à laisser paraître, est le fruit de longues recherches dont le point de départ a été l’étude d’un fait chimique très simple.
On avait annoncé que le sucre de canne pur, dissous dans l’eau distillée, s’intervertissait avec le temps, même à froid ; c’est à dire que ce sucre fixait ainsi les éléments de l’eau pour former les 2 glucoses, de pouvoirs rotatoires inégaux et de sens contraires, dont le mélange constitue le sucre interverti.
Les chimistes savaient que l’interversion s’accomplit sous l’influence des acides puissants, lentement à froid, presque instantanément à ébullition. Il eut été remarquable qu’une réaction aussi profonde, qui détermine un dédoublement de la molécule du sucre, put s’accomplir sans cause provocatrice. J’ai donc répété l’expérience. L’interversion eut lieu, mais je notais en même temps qu’il y avait de la moisissure dans la solution ; je n’en tins pas compte d’abord, et je publiai le résultat comme confirmation du fait énoncé. Toutefois j’avais varié l’expérience : dans l’une des solutions j’avais ajouté du chlorure de zinc, et dans une autre du chlorure de calcium, et le sucre ne fut point interverti.
….
En y réfléchissant, j’en vins à me demander si la moisissure ne serait pas la cause provocatrice de la réaction. Ce fut un trait de lumière. Après quelques essais plus ou moins démonstratifs, j’ai institué plusieurs séries d’expériences qui ont duré de 1856 à la fin 1857. Le résultat fut concluant : l’interversion n’a lieu que consécutivement au développement de la moisissure. Et c’est ainsi qu’une recherche de chimie pure, en elle-même très simple, est devenue le point de départ d’études physiologiques qui m’ont occupé presque sans interruption pendant près de trente ans.
Le début a donc été modeste. Rien n’est plus ordinaire que de voir des moisissures se développer dans les solutions les plus diverses, organiques ou même minérales. Si je m’en étais tenu aux théories qui étaient reçues parmi les savants, j’aurai négligé la moisissure après avoir, en historien fidèle, constaté sa présence. C’est pour n’avoir pas considéré le fait comme une rencontre fortuite, qu’il en est résulté la découverte de la théorie physiologique de la fermentation et, plus tard, l’énonciation d’une doctrine nouvelle concernant l’organisation et la vie, dont ce livre contient l’histoire…
…
Les microzymas ou granulations moléculaires
Sous la dénomination générale de moisissures, je comprenais tout ce qui, dans ces solutions, opérait l’interversion du sucre et l’acidification de ces solutions. Or, dans quelques expériences, où pourtant l’interversion se produisait, je ne voyais que des formes microscopiques extrêmement petites, sans analogue à ce que l’on connaissait parmi les infusoires. Ces formes, que le Mémoire de 1857 désigne par l’appellation de petits corps, je les ai considérées comme organisées, les regardant pareillement à des ferments. Peu à peu j’ai été amené à les comparer aux granulations moléculaires que M. Berthelot, dans ses recherches sur la fermentation alcoolique, à la même époque, avaient notées sans leur attribuer de rôle, les considérant comme matière amorphe ; puis enfin à toutes les granulations moléculaires des auteurs, que l’on spécifiait comme animées du mouvement brownien…
Dans une lettre à M. Dumas (septembre 1865), je rapproche même les granulations moléculaires de la craie et du lait. Enfin, en 1866, dans une note sur le rôle de la craie dans les fermentations lactiques et butyriques, je les nomme microzymas. Ce n’est certainement pas M. Pasteur qui m’a aidé à faire cette découverte, ni à en développer les conséquences ; ces sarcasmes auraient plutôt produit le découragement, si l’académie des sciences n’avait pas accueilli toutes mes communications et ne m’avait ainsi permis de persévérer dans la voie dans laquelle je m’étais résolument engagé. Je lui en exprime ma plus vive reconnaissance.
La découverte des microzymas, considérés comme une nouvelle catégorie d’êtres organisés, a été fertile en conséquences théoriques et pratiques d’une importance considérable. C’est elle qui, lorsque j’eus constaté que les microzymas de la craie, ceux du lait, aussi bien que ceux de l’atmosphère peuvent, par évolution, devenir bactéries, nous a permis, à M. Estor et à moi, de démontrer que les granulations moléculaires des cellules, des tissus et des humeurs sont, non pas des granulations amorphes, graisseuses ou autres, mais bien des formes réellement vivantes et organisées. Bref, de cette simple constatation il découlait que les organismes vivants, même les plus élevés dans la série des êtres, recèlent la vie dans une partie quelconque détachée de cet être.
J’ai dit qu’autrefois on n’entrevoyait pas comment il serait possible d’attaquer expérimentalement le problème de l’organisation et de la vie. En fait, on concevait l’être vivant comme un tout indivisible dont toutes les parties vivent de la vie de l’ensemble.
Après le trépas, tout est supposé mort dans l’homme ; dans l’animal qui vient de mourir, tout est mort.
Il n’y a pas 2 ans, m’entretenant de ces questions avec un médecin anglais, je lui parlais de la persistance de la vie dans le cadavre. Il sourit de façon significative ! C’est l’opinion commune …
…Ces conférences ont pour objet de démontrer que l’unité vitale, irréductible, physiologiquement indestructible dont la cellule même est formée, n’est autre que le microzyma. Il est la forme vivante, réduite à sa plus simple expression, ayant la vie en soi, sans laquelle la vie ne se manifeste nulle part …. Bref, le microzyma est l’unité vivante per se ; et c’est ce qui ne peut être affirmé de la cellule.
Je ne suis pas arrivé d’emblée à concevoir cette idée qui découlent des faits comme d’une source limpide ; les conférences retracent l’histoire de son développement. Il y a près d’un quart de siècle qu’elle a été formulée, et que ses conséquences, même les plus éloignées qui touchent à la pathologie, en ont été déduites. M. Estor, qui travaillait près de moi, est devenu de bonne heure mon collaborateur dévoué et convaincu, si bien que dans certaines parties, je ne sais pas distinguer entre lui et moi…
….J’ai dit que les vérifications n’avaient pas manqué. En Allemagne, les microzymas ont été découverts, sous d’autres noms ….
…M. Estor et moi n‘avons jamais, en parlant des microzymas normaux des êtres organisés, entendu parlé que d’animaux sains et vivants, c’est à dire examinés aussitôt après avoir été sacrifiés. Quand il y avait lieu de noter d’autres circonstances, nous avions toujours soin de le faire. C’est ainsi que M. Estor, guidé par la théorie, avait constaté la présence de microzymas en chapelets et de bactéries dans la matière de kystes examinés aussitôt qu’ouverts, prouvant ainsi que les microzymas pouvaient évoluer sur le vivant, dans le corps de l’homme lui-même, dans l’état pathologique…
…Par suite, on s’est imaginé que les microzymas sont des êtres vivants étrangers dans l’organisme. De là l’erreur de ceux qui, apercevant enfin les microzymas dans les tissus devenus malades, les prennent invariablement pour des parasites dont a fait des genres et des espèces…
… J’ai consacré toute une conférence – la 11ième - pour redresser ces erreurs. Le microzyma n’est pas un étranger dans l’organisme vivant ; au contraire, c’est en lui que se trouve concentrées la vie et l’activité de chaque centre vivant dans cet organisme, chacun selon le but qu’il doit atteindre.
J’ai souvent entendu émettre cette assertion : « la découverte du rôle des infiniment petits dans la circulation de la vie, dans le mécanisme des transformations incessantes de la matière : telle est l’œuvre de M. Pasteur. » M. Doléris, qui la répète, n’est point remonté aux sources….
…J’ai avant M. Pasteur, cherché dans l’air la cause de l’apparition des moisissures et des microzymas dans mes solutions. Plus tard j’ai démontré, ce que n’avait pas fait M. Pasteur, que les microzymas constituent la partie essentielle de ce qu’on appelle les germes de l’air, donnant ainsi un corps à ces germes qui n’étaient ni spores, ni œufs ; tandis que M. Pasteur cherchait encore les œufs des bactéries, je prouvais qu’elles étaient le résultat de l’évolution des microzymas. Bien avant 1876, …, j’avais même recherché si les microzymas atmosphériques, loin d’avoir été créés exprès, ne seraient pas les restes vivants des organismes disparus : la 11ième conférence contient l’histoire de cette recherche.
…Je ne conteste pas ce qu’on de remarquable les expériences de M. Toussaint et de M. Pasteur, concernant l’atténuation des virus ; elles sont fort intéressantes quand on les considère dans la théorie du microzyma, je m’en explique dans la 14ième conférence ; mais elles ne comprennent pas le système de M. Pasteur. En effet, en dehors des maladies vraiment parasitaires, il n’y a pas, primitivement, originellement, de germes de véritables maladies : variole, syphilis, fièvre typhoïde, charbon etc., dans l’air. On n’en a jamais démontré l’existence. Dans l’air, il y a des microzymas ; M. Pasteur le nie (5), et je démontre qu’ils sont ceux des organismes disparus ; qu’ils peuvent être accidentellement morbides, mais perdant leur morbidité par suite d’un changement que je constate expérimentalement.
J’ai été longtemps à comprendre le motif de la persistance des attaques de M. Pasteur. Je crois que la situation est éclaircie. Si les microzymas existent et si la théorie qui découle de leur découverte est vraie, le système contraire est faux. Et si, du commencement à la fin, ce livre a pris le caractère d’une polémique contre M. Pasteur, dont j’aime pourtant à proclamer le mérite, il n’y a pas que l’incident à Londres ; il y a sa parole, qui acquiert tant d’autorité de la situation éminente qu’il occupe si justement. Je ne pouvais m’empêcher de faire remarquer qu’ayant pris pour bases de ses derniers travaux sur l’étiologie des maladies, une hypothèse non vérifiée et des principes que l’observation n’a jamais confirmés, il engageait la médecine dans une mauvaise voie…
… Et maintenant je finis en exprimant à l’académie des sciences et à l’Académie de médecine, mes sentiments de profonde reconnaissance. La première de ces illustres compagnies a toujours admis nos communications et nos réclamations dans les comptes rendus de séance ; la seconde a bien voulu écouter mes communications avec la bienveillance qu’elle ne refuse jamais à ceux qui cultivent la science avec désintéressement !
A. Béchamp
Lille le 12 mars 1883 »
Il ne s’agit que d’extraits de l’avant propos, suivent près de 1000 pages découpées en 14 conférences, présentées aux étudiants en médecine de l’époque, et développant 30 années de recherche aboutissant à la nouvelle doctrine concernant l’organisation et la vie.
Pour faciliter l’approche, je fais des condensés de ces conférences téléchargeables à partir du lien suivant
(1) extrait de l’article : http://awarenessact.com/study-finds-that-fasting-for-72-hours-can-regenerate-the-entire-immune-system/
(2) voir la 9ième conférence du livre « les microzymas » d’Antoine Béchamp
(3) traitement des échantillons expliqué par A. Scohy : https://www.youtube.com/watch?v=ccwKmRc891Q
(4) le livre d’Antoine Béchamp (plus de 1000 pages) est disponible sur le web : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65140517/f9.image.r=.langFR
(5) Louis Pasteur utilisait des microscopes beaucoup moins puissants.
Vous pouvez retrouver toutes les vidéos et diaporamas sur ma chaîne You Tube